94
Les vitraux
de l’abbaye d’Autrey
Georges Poull
Après que Jean-Antoine Laurent les a introduits
dans les collections de l’établissement en
1831, c’est à l’initiative de son f ils Jules, qui lui
succède dès l’année suivante, que les vitraux
de l’abbaye d’Autrey sont mis en valeur dans
les collections. À cet effet, Jules Laurent sait
exploiter au mieux l’inf luence que lui accorde
dès 1839 la fonction d’inspecteur correspondant
du ministre de l’Intérieur, attribuée par la
Commission des monuments historiques créée
en 1837
1
. Avec la collection lapidaire, les vitraux
de l’abbaye d’Autrey témoignent en effet du
parti qu’il sut toujours tirer de cette fonction
de correspondant inspecteur, dans le souci
d’enrichir les collections du musée.
L’abbaye d’Autrey
Fondée au XII
e
siècle par Étienne de Bar, évêque de
Metz, en faveur des chanoines réguliers de saint
Augustin, l’abbaye a fait l’objet au fil des siècles
de plusieurs transformations. Le transept, le
chœur et le chevet bénéf icient en particulier d’un
important programme artistique de 1537 à 1545
à l’initiative de l’abbé Stévenet, qui dote l’abbatiale
d’un ensemble de huit grandes verrières. Ces
œuvres, auxquelles il convient d’ajouter six baies
moins importantes qui forment le décor de la
chapelle Saint-Hubert, permettent à l’édifice de
revendiquer la place d’unique ensemble religieux
de la Renaissance de la région vosgienne.
Le transfert au musée
Après leur inventaire les vitraux sont restés propriété
de lÉtat lors de la vente de labbaye comme bien
national en 1792 En dépit du peu de valeur artistique
que leur attribue une expertise ef fectuée en 1794 et
des vicissitudes quils subirent du fait des intempéries
et des activités de la tréf ilerie installée dans léglise
après son rachat, la commission départementale,
sur la foi d’une nouvelle évaluation artistique
de Henri Joseph Hogard, décide leur transfert
à Épinal en 1820. L’idée de Charles de Chambon
de Trousseauville, maire d’Épinal, en accord avec
le préfet Pierre Louis Nicolas Meulan, est alors de
réinstaller les vitraux dans le chœur de l’église Saint-
Maurice
2
. En raison de dif f icultés techniques, le projet
n’aboutit pas, et les vitraux demeurent en caisse dans
un entrepôt de la ville durant six ans, jusqu’à leur
transfert au musée en 1831
3
.
La restauration
Le classement de l’église abbatiale d’Autrey sur la
première liste de monuments historiques publiée
en 1840, permet de doter le département d’une
somme de 800 francs pour la restauration des
vitraux, alors toujours en caisse. Cette somme
tardant à être versée, Jules Laurent n’hésite
pas, avec l’accord du préfet, à utiliser un crédit
équivalent, accordé pour le transfert au musée de
trois statues du Donon. Cette audace provoque
l’ire de Prosper Mérimée, inspecteur général des
monuments historiques, mais ne fait néanmoins
pas obstacle à l’attribution d’une nouvelle dotation
de 600 francs pour achever la présentation
muséographique des vitraux.
Trois autres conservateurs témoignent encore au f il
du temps de la valeur et de la place de ces vitraux
dans les collections du musée.
Félix Voulot, successeur de Jules Laurent en 1878,
trouve des morceaux épars dans les réserves du
musée ce qui lui permet de reconstituer plusieurs
scènes nouvelles qui ornent le vestibule de la
galerie des tableaux en 1899
L E S A M B I T I O N S D U M U S É E, D’H I E R À A U J O U R D’H U I
3
1 Poull 2018
2 Le projet de transfert des boiseries de la bibliothèque de
labbaye de Moyenmoutier à Épinal est concomitant
3 Poull 2019