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Jules Laurent
et la collection numismatique
U N E H I S T O I R E D E P A S S I O N E T D E G É N É R O S I T É — L E S C O L L E C T I O N S E M B L É M A T I Q U E S
Elles sont les précieux témoins de cette période où
les ducs n’ayant pas obtenu de droit de monnayage
utilisent des subterfuges pour frapper des espèces.
Et cette abondance de monnaies exceptionnelles
se retrouve avec les ducs leurs successeurs.
Citons plus particulièrement ici les plaques et les
gros du duc Jean I
er
de Lorraine dans la seconde
moitié du XIV
e
siècle. Toutes ses monnaies sont
de petits chefs d’œuvre, présentant l’ensemble de
la symbolique seigneuriale du temps : heaumes,
épées, écus, lion portant armure, chevalier en cotte
de mailles tenant son arme sur l’épaule. La même
qualité artistique se retrouve sur les monnaies de
ses successeurs. Ainsi à la f in du XV
e
siècle, René II
offre aux Lorrains un florin d’or portant l’image
de saint Nicolas accompagné des trois enfants
debout dans un saloir. Aux XVI
e
et XVII
e
siècles, les
espèces d’or et les grands écus d’argent ornés des
portraits des souverains lorrains montrent la qualité
des graveurs lorrains. Elles démontrent aussi la
grandeur des ducs enrichis par les mines d’argent
des Vosges. Cette même qualité se retrouve au
XVIII
e
sous Léopold et François III, qui n’ont plus
de grands moyens f inanciers, mais se font gloire
de mettre en circulation des espèces d’une grande
beauté, grâce au talent de l’exceptionnelle famille
de graveurs que sont les Saint-Urbain.
Les productions des grandes maisons religieuses
des Vosges sont présentes. La collégiale de Saint-
Dié frappe, à partir de la f in du X
e
siècle, de gros
deniers de type carolingien, pièces assez frustes
d’apparence, mais combien peu courantes. Il en
est de même de la riche abbaye de Remiremont.
Ces espèces qui circulent sur un territoire restreint
disparaissent déf initivement au début du XIII
e
siècle
La numismatique messine est bien présente
elle aussi Elle commence avec le monnayage
des évêques à la fin du X
e
siècle Les espèces
conservées au musée permettent de suivre
l’histoire de ces évêques qui sont un temps de
riches et puissants seigneurs. Leurs ateliers sont
installés dans les principales communes de leur
domaine : Metz, Marsal, Vic-sur-Seille et Épinal. Leur
déclin commence dans la deuxième moitié du XII
e
siècle. Endettés, ils sont obligés de solliciter des
prêts auprès des bourgeois de Metz auxquels ils
f inissent par céder, à la f in du XIV
e
siècle, leur droit
de battre monnaie dans cette ville.
La cité de Metz bat alors abondamment monnaie,
frappant espèces d’or et d’argent jusqu’à l’époque
classique. D’autres communes confrontées aux
révolutions urbaines ou enrichies par leurs marchés
frappent monnaie du XII
e
au début du XIV
e
siècle.
Il faut principalement citer à cet égard Épinal,
Neufchâteau et Toul. De même, la dispersion
féodale du pouvoir permet à divers seigneurs
comme celui de Neufchâteau ou le comte de
Vaudémont d’avoir leur propre monnaie. Et il ne
faut pas oublier non plus le monnayage des comtes
puis ducs de Bar, dont les espèces de mauvais aloi
imitent celles du roi de France.
Rien de plus courant que les pièces de monnaies.
Toutes celles qui viennent des anciens temps
sont des lambeaux de la vie quotidienne de jadis,
porteurs des espérances et des déceptions de
ceux qui nous ont précédés. Le travail de Jules
Laurent permet aux historiens comme aux simples
amateurs de connaître un peu de ce lointain
quotidien et, par-delà, les jeux de pouvoir, les
grandeurs oubliées et les seigneuries déchues
la vie économique et les courants artistiques de
lancienne Lorraine Remercions le conservateur
zélé et compétent qui a mené à bien ce projet
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