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La création d’une salle d’ethnologie
régionale vosgienne :
du folklorisme à l’ethnologie
L E S A M B I T I O N S D U M U S É E, D’H I E R À A U J O U R D’H U I
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Le 5 mai 1968 est inaugurée au Musée
départemental des Vosges une section
consacrée à l’ethnographie locale. Comment
a été conçue cette salle d’ethnologie régionale
des Vosges ? À quelle époque de l’histoire du
musée est-elle apparue ? Ce fut une longue
gestation qui a commencé au début du XX
e
siècle avant la Première Guerre mondiale.
Dès 1909, le conservateur de l’époque, André
Philippe, dans son rapport au préfet des Vosges,
écrit : « il manque dans notre musée une section
d’ethnographie locale. J’entends par cette
expression le genre de musée qu’ont préconisé les
premières nations du Nord, l’Alsace et l’Allemagne.
Mistral le fait à Arles en créant le museon Arlaten.
Remiremont aura bientôt son musée vosgien où
sera reconstitué l’ancien poêle. Je mûris l’idée d’une
salle où seraient conservés les objets usuels et les
costumes de nos Vosges
1
. »
En effet, à la fin du XIX
e
siècle et au début du
XX
e
siècle des musées de folklore sont créés. À
Strasbourg, le musée alsacien est fondé en 1902
et ouvre ses portes en 1907. Le conservateur du
Musée départemental des Vosges s’inscrit dans
ce courant des musées de folklore qui f leurissent
en Europe : musées de plein air en Scandinavie,
Heimatsmuseum dans les pays germaniques ou
maisons de pays en France. André Philippe souligne
que la France a du retard dans ce domaine. En
effet, le musée d’Ethnographie au Palais du
Trocadéro construit à la suite de lExposition
universelle de 1878 doit attendre 1888 pour que
son conservateur Armand Landrin prenne linitiative
dy créer une section spécialement consacrée
au domaine français En 1911 André Philippe
reconstitue une ancienne cuisine lorraine garnie
de meubles et dustensiles locaux et veut réserver
au musée départemental « un petit emplacement »
pour ce type de collection.
Il a tenu à faire la reconstitution « d’un viel
intérieur lorrain. Pour Nancy et Remiremont la
chose a été décidée et qu’il fut prouvé que notre
musée ne reste pas trop en arrière et que nous
nous désintéressons pas de cet art populaire qui
bien que modeste est une contribution précieuse
à l’histoire de la vie de nos aïeux
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. » Au Musée
lorrain, en 1910, est créée une section de folklore
régional, sous l’égide de Charles Sadoul, qui signe
la renaissance de l’institution. Charles Sadoul
entretenait des liens avec le musée d’Épinal.
Avant la guerre de 1914, les musées régionaux qui
ouvrent présentent comme à Épinal des collections
diverses (histoire, histoire naturelle, archéologie
locale, folklore, art populaire) pour décrire l’histoire
et les traditions d’un territoire. Ils sont souvent liés
à des sociétés savantes d’histoire ou d’archéologie,
comme ici la Société d’émulation du département
des Vosges.
La période d’André Philippe esquisse ce que
deviendra peu de temps après le musée, en
structurant les collections folkloriques autour de
trois pôles : l’ethnographie régionale, l’imagerie et
Bénédicte Rolland-Villemot
1 Rapport du conservateur 1909
2 Rapport du conservateur 1911
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VUES DE LA SALLE DETHNOGRAPHIE
après 1968