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Un lieu de recherche et de dif fusion
des connaissances
Thierry Dechezleprêtre
De la fabrique du musée
à la fabrique des savoirs
Au lendemain de la Révolution française, alors
que la sauvegarde des biens relevait d’une
impérieuse nécessité, conserver et transmettre
sont les principales missions assignées aux
musées. Quand Jean-Antoine Laurent devient
le conservateur du Musée départemental des
Vosges, en 1823, il lui incombe donc de veiller
à la bonne conservation des collections, tout
en assurant la direction de l’école de dessin, les
deux fonctions étant alors complémentaires.
L’ambition encyclopédique qui a présidé à la
création de ce musée, son intention de « réunir
des objets de Sciences, d’Arts et d’Industrie
1
», a
d’emblée nécessité la création d’une communauté
de spécialistes qui s’est f ixé l’ambition de collecter,
d’inventorier, mais aussi d’étudier les collections
rassemblées. Le lien étroit entre le musée et
la Société d’émulation du département des
Vosges permet de constituer une communauté
scientifique dont son Journal d’abord puis ses
Annales témoignent du dynamisme. Ainsi, autour
de ses premières collections de peintures, le musée
devient le réceptacle des recherches de terrain
menées par les membres de la société
2
.
Cette collecte s’accompagne d’un contrôle étroit
exercé par un comité de surveillance dont les
membres sont souvent en relation avec des
institutions académiques d’envergure nationale
3
.
La communauté scientifique ainsi créée autour
du musée saccompagne de cours en lien avec
luniversité
4
démontrant le lien établi dès cette
époque entre la recherche et la diffusion du
savoir Parmi les recherches qui vont faire lobjet
dune rapide valorisation au sein du musée
départemental f igurent notamment la géologie
la botanique et lornithologie à partir des
travaux réalisés principalement par Jean-Baptiste
Mougeot
5
. Ce médecin botaniste est à l’origine
de la galerie d’histoire naturelle, ouverte en 1834,
et dont le modèle est celle du Muséum national
d’histoire naturelle. D’une manière générale, les
conservateurs de la fin du XIX
e
et du début du
XX
e
siècle bénéficient du réseau scientifique
organisé autour du musée départemental,
comme en témoigne la liste des membres et
correspondants associés.
Plusieurs mutations importantes pour les
musées s’opèrent au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale avec la mise en place d’un
premier cadre réglementaire et la création, en
1959, du ministère des Af faires culturelles conf ié
à André Malraux. En ef fet, à partir de cette date
une différence est introduite entre les musées
« généralistes » dépendant de ce ministère et les
muséums dont la tutelle demeure le ministère de
l’Éducation nationale. Le renforcement du cadre
réglementaire s’est traduit, comme dans le cas
du Musée départemental des Vosges, par un
délitement progressif du milieu associatif et des
réseaux scientifiques qui leur étaient associés.
Parallèlement à ces mutations, les musées
ont évolué également dans leurs contenus,
et on assiste durant cette même période à une
spécialisation de certains d’entre eux autour des
Beaux-Art. Ce phénomène s’illustre au musée
départemental par la suppression de la galerie
d’histoire naturelle, en 1947, et la création d’une
salle consacrée à l’imagerie populaire.
L E S A M B I T I O N S D U M U S É E, D’H I E R À A U J O U R D’H U I
3
1 Extrait du règlement du 12 mars 1830 sur le musée
2 Rapport sur le musée départemental 1836 p 399
3 Ce comité créé en 1833 est organisé selon les quatre
sections du musée arrêté du 9 décembre 1833
4 Rapport sur le musée départemental 1836 p 400
5 Voir dans ce volume larticle Les collections dhistoire
naturelle p 30 Épinal 1999