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L E S A M B I T I O N S D U M U S É E, D’H I E R À A U J O U R D’H U I
Un lieu
d’apprentissage
Ouverts en mars 1824
3
, les cours de dessins sont
gratuits, limités à cinquante élèves et dispensés par
le conservateur.
Le propos introductif du Catalogue des objets
exposés en 1829 déclare que « les Objets d’arts
et d’antiquités, ceux de l’industrie et de l’histoire
naturelle des Vosges, réunis dans les salles du
Musée, sont spécialement destinés à servir de
modèles aux élèves d’une école de dessin qui y a
été fondée pour l’instruction des jeunes ouvriers du
département
4
. » Par ailleurs, le premier règlement
de l’établissement, dont les articles deux à cinq
concernent les élèves, l’étude et l’école (fig. 2),
confirme la vocation pédagogique du musée
départemental. En 1831, les ef fectifs se composent
de quarante-trois élèves âgés de quatorze à vingt
ans, répartis ainsi en trois groupes : anciens
élèves, première année, seconde année. Les
élèves proviennent très majoritairement d’Épinal
et exercent des métiers manuels comme peintre
en bâtiment, menuisier ou serrurier
5
.
Intégrés dans les sections de l’établissement, les
cours de dessin linéaire (f ig. 1) sont complétés par
un enseignement de sculpture pratique en 1833.
En 1835, le ministère de l’Intérieur fait livrer au
musée une série de plâtres moulés sur l’antique
6
,
af in de servir de modèles aux élèves.
Les cours sont dispensés par les conservateurs du
musée jusqu’en 1867. Un directeur municipal est
ensuite spécifiquement affecté à ces cours. Les
sources divergent sur l’année de déplacement en
un lieu extérieur de ces cours : en 1871, selon le
Rapport sur le musée et ses collections ou en 1886
selon Chevreux
7
Audelà de la vocation pédagogique
lapprentissage du regard et de la notion de
goût bien quambivalente est présente dès la
création du musée et perdure tout au long du
XIX
e
siècle Ainsi Jules Laurent termine le rapport
daccroissement des collections de lannée 1853
par un long plaidoyer de l’initiation à la beauté de
l’art : « La vue des toiles grandes, belles, conçues et
exécutées largement, n’est pas utile seulement à
ceux qui se destinent à l’étude de la peinture ; elle
inf lue aussi sur les idées des masses indif férentes
en apparence aux arts, elle fait naître chez elles,
indépendamment de leur volonté, le goût du
grand et du beau, et contribue puissamment à
leur développement moral et intellectuel. » (f ig. 3)
En 1900, Paul Chevreux exprime le souhait
« de voir le Musée servir, non seulement aux
recherches des hommes d’étude et à la curiosité
des touristes, mais aussi, pour les élèves des hautes
classes, à l’enseignement de l’histoire de l’Art
8
. » Il
poursuit son exposé en proposant que des cours
d’histoire de l’art et d’archéologie soient dispensés
dans les musées, enseignement qui pourrait
donner de « bons résultats ». Il signale d’ailleurs que
« presque chaque jour, du printemps à l’automne,
des copistes travaillent dans la galerie de peintures
9
.
»
Tout au long du XX
e
siècle, le musée a poursuivi sa
vocation d’apprentissage, sous dif férentes formes :
celui du regard, avec le développement des visites
guidées, d’ateliers de pratiques artistiques, de
conférences sur l’histoire des arts. Cette vocation
se renouvelle sans cesse en lien avec le ministère
de l’Éducation nationale et la part désormais
réservée à l’éducation artistique et culturelle. La
notion d’apprentissage opère ainsi une mutation
progressive au service de l’expérience d’une
approche sensible et émotionnelle.
3 Archives départementales des Vosges Épinal 10N18
4 Anonyme 1829
5 Archives départementales des Vosges Épinal 10N18
6 Ibid
7 Chevreux 1900b
8 Ibid
9 Chevreux 1903a