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U N E H I S T O I R E D E P A S S I O N E T D E G É N É R O S I T É — L E S C O L L E C T I O N S E M B L É M A T I Q U E S
Jules Laurent
et la collection numismatique
2
Le Musée départemental des Vosges possède
une collection numismatique lorraine tout à
fait remarquable
1
. Elle l’est tant par le nombre
des espèces qui ont été rassemblées que par
leur variété. Elle couvre toutes les époques,
toutes les seigneuries et toutes les zones
géographiques de la région depuis les temps
mérovingiens jusqu’au XVIII
e
siècle.
C’est aux archéologues départementaux du XIX
e
siècle mais aussi et surtout à Jules Laurent que
nous devons cette collection de référence. L’œuvre
de ce dernier s’inscrit à l’époque où se développe
ce qu’on appelle le lotharingisme, c’est-à-dire le
goût pour l’histoire lorraine, quand des savants
tels que Félicien de Saulcy et Pierre-Charles Robert
publient les premières études sur les productions
monétaires de la région. Jules Laurent est un
numismate passionné, et s’af f iche comme tel. Dans
son rapport au préfet de 1844
2
, il insiste déjà sur
l’importance des études numismatiques ; dans celui
de 1851, il déclare : « les monnaies et médailles
lorraines, barroises et messines sont toujours
recherchées par nous avec le plus grand soin
3
. »
Et il y met du soin et aussi beaucoup d’empresse-
ment. La lecture de ses rapports annuels d’activité
4
montre les accroissements successifs des
collections du musée. Les monnaies y tiennent
une part importante, l’auteur y délivrant la liste
des acquisitions : monnaies gauloises, grecques,
romaines, françaises et, bien sûr, lorraines. Il note
scrupuleusement le nom des donateurs « qui ont
compris […] que les objets disséminés chez les
particuliers étaient perdus pour la science, tandis
que, groupés dans un lieu accessible à tous, ils
seraient étudiés par les amateurs
5
.
»
Visiblement, notre homme sait communiquer son
ardeur à ceux qu’il approche. Mais cela ne suf f it
pas à Jules Laurent, qui est aussi un homme de
terrain. C’est ainsi qu’informé d’une trouvaille
de monnaies à Contrexéville en juin 1860, il se
rend immédiatement sur place pour enrichir les
collections du musée. À son arrivée, il apprend
que, malheureusement, cinquante des soixante-
deux pièces de la trouvaille ont déjà été vendues
à une personne demeurant à Neufchâteau. Jules
Laurent achète ce qui reste, va immédiatement
trouver l’autre acquéreur et le convainc de lui
revendre une partie de ses emplettes. Le musée
s’enrichit ainsi de monnaies épiscopales de Metz et
de Toul, d’autres enf in de Remiremont et d’Épinal.
Lors d’une trouvaille plus exceptionnelle, celle de
Diarville en 1863, il réussit à acquérir plus de sept
cents monnaies ducales et épiscopales. En bon
chercheur, il donne de ces deux découvertes des
comptes-rendus précis complétés de planches
des exemplaires les plus intéressants
6
. Ces deux
occasions permettent à notre homme de constituer
la base d’une solide collection de deniers lorrains de
la période XI
e
-XII
e
siècles.
La publication de rapports annuels sur les
accroissements de collections et celle de trouvailles
ne lui suf f isent pas Jules Laurent est également un
chercheur Il publie les résultats de ses travaux dans
une série détudes à laquelle sajoute le catalogue
des monnaies du musée
7
Les f lorins de Bar émis
sous le duc Robert en 1869 Monnaies lorraines
Dominique Flon
1 • Quelques 15 000 monnaies, toutes périodes confondues,
y sont conservées.
2 Laurent 1844
3 Laurent 1852 p 417
4 Les rapports et études de Jules Laurent ont été publiés dans
les Annales de la Société démulation du département des Vosges à
lexception de deux articles parus en 1867 et 1869
dans la Revue numismatique
5 Laurent 1844 p 461
6 Laurent 1860 et Laurent 1863
7 Laurent 1848b