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Le don Lagarde
(1886)
Né en 1837 dans la bourgeoisie spinalienne,
Émile Lagarde fait carrière à Paris dans
l’industrie, avant de se retirer des affaires
pour s’adonner à sa passion, la collection.
Patiemment, il réunit dans son appartement
une multitude d’objets ethnographiques. En
1875 et en 1881, il prof ite de la vente du musée
de l’ustensillage, ancêtre du musée Carnavalet
1
,
pour enrichir sa collection.
En 1886, Émile Lagarde propose au départe-
ment des Vosges 2 000 objets issus de sa
collection, gratuitement mais à quelques
conditions. Les frais d’emballage, de transport
et d’installation seront pris en charge par le
département. La collection sera installée dans
une salle à part et portera le nom de collection
Lagarde. Enfin, le donateur se chargera lui-
même de l’accrochage et sera nommé sa vie
durant conservateur honoraire.
Le Conseil général accepte le don, et prévoit
de l’installer dans la salle occupée par le cours
municipal de dessin, qu’il faut donc renvoyer. Après
plusieurs mois de négociations et de travaux
2
, la
salle Lagarde ouvre en 1887. L’ensemble n’est pas
d’une grande valeur marchande, mais le nombre
et la disposition des objets, accrochés avec ordre
et symétrie, impressionnent (f ig. 3). Au centre de la
pièce, trois grandes vitrines en bois accueillent les
petits objets : pièces de costume et accessoires,
éventails, peignes, montres et bijoux, chaussures
et boucles de chaussures, boutons. On y trouve
également des fers à friser et à repasser, des
bougeoirs lampes et mouchettes des tabatières
et petites boîtes des miniatures fig1 une
importante collection de pipes des médailles
militaires des icônes et objets de piété des
fourchettes et des couteaux des poires à poudre
balances et poids de petits objets en faïence et en
porcelaine de petits bronzes de la verrerie ainsi
que des souvenirs liés à lhistoire de Paris f ig 2
Alix de Bouvier
1
Anonyme
PORTRAIT DU GÉNÉRAL MARCEAU (?)
Vers 1790-1800
Huile sur ivoire
—
À cela s’ajoutent quelques pierres minéralogiques.
Des objets sont en outre accrochés sur les
cimaises : armes et éléments d’armure, armes
extra-européennes (comme ce casse-tête kabyle ou
cette fronde de Nouvelle-Calédonie), instruments
de musique, hippiqua, clés et cadenas, vaisselle
en étain, en faïence et en porcelaine, instruments
en cuivre ou en fer
3
. Preuve de l’importance de la
collection, cent dix armes et armures sont envoyées
à Paris pour l’Exposition universelle de 1889.
Malade, Émile Lagarde meurt en 1894 à l’âge de
cinquante-sept ans. Il lègue au département son
portrait peint par Alphonse Monchablon, ainsi
qu’une somme de 20 000 francs, permettant le
recrutement d’un gardien chargé de la surveillance
et de l’entretien des objets. Soixante-dix ans plus tard,
entre 1962 et 1965, la salle Lagarde est entièrement
vidée puis réaménagée af in d’accueillir notamment
l’ethnographie vosgienne. La collection Lagarde
est en grande partie remisée en réserve, alors que
souvre un nouveau chapitre de lhistoire du musée
1 Anonyme 1890
Sur le musée de lustensillage voir Sarmant 2015
2 Archives départementales des Vosges
15 T 51 salle Lagarde aménagements travaux 18861890
3 Archives départementales des Vosges
15 T 53 inventaire de la collection Lagarde 1920
U N E H I S T O I R E D E P A S S I O N E T D E G É N É R O S I T É — L E S D O N S A U M U S É E
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1
Les objets de la collection