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L’ouverture à la modernité :
l’intérêt pour les œuvres du temps présent
Gaëlle Bigoni
L E S A M B I T I O N S D U M U S É E, D’H I E R À A U J O U R D’H U I
3
1 • Organisée par la Société vosgienne des arts.
2 Acquisitions de trois aquarelles dAndré Philippe lors de la
même exposition
3 Rapport du conservateur 1953
4 Maximilien Luce Henri Manguin Albert André Maurice Savin
Paul Charlemagne Robert Lotiron Roland Oudot
JeanEugène Bersier Denise Lemaire François BaronRenouard
Abram Kroll Daniel Dalmbert
5 Rapport du conservateur du musée départemental depuis
juillet 1954 29 août 1955
La tradition institutionnelle française de
conserver et d’exposer des œuvres d’artistes
vivants remonte au XIX
e
siècle avec la création
du Musée du Luxembourg à Paris. Ses
collections sont composées à partir de 1818
d’achats d’œuvres principalement issues des
Salons. Si sa vocation première est de ref léter
et transmettre le « goût » d’une époque, cette
dernière évolue avec l’intégration à partir de
la fin du XIX
e
siècle de dons et de legs issus
d’artistes ou de collectionneurs d’œuvres de
ce siècle. De nouveaux mouvements picturaux
comme l’Impressionnisme intègrent les
collections nationales.
L’intérêt pour les artistes vivants et la création
contemporaine se répand également dans les
musées de province. Sous l’impulsion de son
conservateur Pierre-André Farcy, le musée de
Grenoble fait f igure de pionnier dès les années 1920,
avec sa prestigieuse collection d’art moderne.
Le Musée départemental des Vosges ne fait pas
exception à ce nouvel intérêt pour la modernité.
L’organisation de salons ou d’expositions locales
permet aux artistes de se faire connaître et de
vendre leurs œuvres à des collectionneurs et à des
institutions. Toujours au XIX
e
siècle, des envois de l’État
sous l’égide du ministère de l’Intérieur puis des Beaux-
Arts développent les collections contemporaines des
musées de province par le biais de dépôts.
Le musée départemental bénéficie dès son
ouverture de ces envois de l’État : ce sont une
cinquantaine d’œuvres qui sont déposées pendant
près dun siècle dont la majorité proviennent
dacquisitions auprès des Salons ou de commandes
Ces envois complétés par ceux du musée du
Louvre concernent les collections de peintures de
sculptures et de médailles Cest par lintermédiaire
de ces dépôts que sopère cette transition subtile
dans les collections muséales entre la conservation
et lexposition de lart dit ancien et lart moderne
Amorcée dès le XIX
e
siècle avec des dons, c’est
pendant le directorat d’André Philippe (1905-
1944) que se concrétise l’affirmation de l’intérêt
de l’art contemporain de son époque, avec
les premiers achats reflétant l’esprit du temps
présent. Ainsi, André Philippe acquiert en 1908
lors d’une exposition d’art vosgien
1
à la Maison
romaine d’Épinal un tableau de Charles Wittmann,
La Vieille église Saint-Jean à Troyes, et un dessin,
Le Chemineau, de Jules Adler (f ig. 1). S’ajoute ensuite
l’acquisition d’une peinture de Victor Prouvé,
Les Chemineaux, envoyée par l’artiste lui-même à
l’exposition de la Société vosgienne d’art en 1911
2
.
Cette politique d’acquisition se poursuit tout au
long de la première moitié du XX
e
siècle grâce aux
importants dons des familles Corbin et Chevalier
(fig. 2) qui constituent encore le noyau de la
« nouvelle collection contemporaine
3
».
Ce premier ensemble est complété par le dépôt
du musée national d'Art moderne en 1954 de
peintures
4
formant « le départ de la salle de
peinture contemporaine qui doit donner une idée
des recherches picturales actuelles et aider ainsi
notre région à une meilleure compréhension de
l’art moderne
5
. » Cet important dépôt, accordé par
Bernard Dorival, premier conservateur du musée
national d'Art moderne aux côtés de Jean Cassou,
défenseurs de l’art moderne, se compose de douze
peintures d’artistes français ou ayant créé en France.